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mardi 7 juin 2016

TCC - Psychanalyse : Rechercher le sens d'un problème ou d'un symptôme ?

    Dans son article "Sur le cognitisme", Clotilde Leguil pointe le fait qu'en TCC, le thérapeute ne se préoccupe pas du sens du symptôme contrairement à ce qui se passe dans la cure analytique : "Il n'est pas question de chercher le sens singulier d'un problème pour un sujet", (L'anti livre Noir de la Psychanalyse page 262). 
    Dans la psychanalyse, le thérapeute recherche des informations conscientes, préconscientes directement accessibles dans les dires du patient et inconscientes par l'intermédiaire de l'interprétation des rêves, des lapsus, des répétitions de comportements douloureux et de l'analyse des résistances -notamment celle du transfert. Le but est de comprendre ce qui se passe -et ce qui s'est passé- pour le patient. L'idée en psychanalyse serait de dévoiler ce qui semble caché, enfoui, masqué, déformé et de contruire les chaînons manquants d'une histoire. Il s'agit alors pour l'analyste de procéder à des interprétations et/ou à des constructions. La question qui se pose est de savoir jusqu'à quel point cette construction, cette création à, à voir avec la réalité extérieure (les évènements tels qu'ils se sont passés) et/ou la réalité intérieure (les fantasmes) du sujet.
    La TCC ne prend pas en compte le sens du symptôme, elle ne cherche pas à comprendre ce qui se passe pour le patient mais propose des techniques pour se débarasser de ce qui gêne, de ce qui handicape, de ce qui empêche de vivre, car certains patients passent plusieurs heures par jour à "obéir" à leur TOC. La technique TCC pour combattre les TOC est d'exposer le patient à son angoisse, c'est à dire lui demander d'accomplir une action-problème sans qu'il se soulage de son angoisse par un rituel. Pour illuster cette approche, je citerais le cas d'une patiente atteinte de TOC, cas relaté dans l'émission de France 5 diffusée le dimanche 5 juin 2016 dans la série "In Vivo L'intégrale". 
     Pour cette patiente, l'action-problème est de toucher une poubelle. Pour combattre son TOC, la thérapeute lui demande d'ouvrir la poubelle, d'y jeter un carton puis de refermer le couvercle. Une fois que la patiente a ouvert la poubelle, y a jeté le carton et a refermé le couvercle, la thérapeute lui demande de ne pas se laver les mains.  Ce lavage de mains constituerait pour cette patiente le rituel qui lui permettrait de se soulager de l'angoisse générée par le contact de sa main avec la poubelle. Voici les paroles de la patiente telles qu'elle les a prononcées dans l'émission ci-dessus référencée :
    "C'est le TOC qui me dit : Mon dieu mais tu ne peux pas toucher çà, c'est pas possible, c'est pas possible quoi. Mais ma raison me dit qu'il faut que je le fasse et que je la touche bien [la poubelle] parce que ce serait trop facile du bout des doigts. [La patiente soulève le couvercle, met un carton dans une poubelle déjà pleine puis appuie sur le couvercle] Et là c'est dur, on l'a fait, on est fier de soi mais...[la thérapeute lui demande à combien est son angoisse] l'angoisse est à 8 [sur un maximum de 10], [elle regarde la paume de sa main qui a touché le couvercle de la poubelle], mes mains n'ont pas l'air sales, mais je me sens salie comme une personne qui aurait été violée, qui se sent salie après un viol, j'ai l'impression que la poubelle m'a complètement souillée, je me sens souillée, salie, voilà..."
    La thérapie TCC va "se contenter" de faire répéter ces actions avec suppression du rituel -pour ne pas supprimer l'angoisse prématurement. Ainsi, l'angoisse, forte au début, diminuera d'intensité au fur et à mesure des répétitions. En conséquence, la patiente pourra faire face dans sa vie quotidienne au fait de pouvoir toucher une poubelle sans que ce soit handicapant pour elle. La TCC fait appel à la raison de la patiente : "Vous ne vous êtes pas lavée les mains et vous êtes toujours en vie ; il ne s'est rien passé de dommageable pour vous, il n'y a pas de conséquences négatives de toucher une poubelle."
    Pour être cohérent avec ce que j'ai dit plus haut sur l'interprétation, j'éviterais donc des interprétations ou des constructions hasardeuses sans les dires supplémentaires de cette patiente. Toutefois, il me paraît important de prendre en compte le domaine sexuel par elle évoqué. Il aurait été intéressant que la thérapeute puisse parler des situations antérieures, infantiles, où elle aurait pu se trouver en contact avec des poubelles, une cave, d'actions jugées sales...et voir s'il y avait des liens avec ce TOC ou pas. Mais le fait qu'en TCC, la thérapeute ne s'occupe pas de ce qui a bien pu se passer pour cette patiente me semble problématique dans la mesure où ces expériences passées -dans la mesure où elles existent, ce qui reste à déterminer- seront amenées à faire retour et donc à faire perdurer le TOC même si à la page 505 du rapport INSERM "Psychothérapie : Trois approches évaluées" on lit que pour les TOC, l'efficacité est prouvée par les TCC.
    En conclusion, je trouve l'argument de Clotilde Leguil -concernant le sens de la situation-problème- particulièrement pertinent et pense qu'il serait souhaitable de ce préoccuper davantage, au niveau des TCC, des "associations libres" du patient en lien avec ses situations-problèmes, dans le cas de la patiente citée dans cet article, des évènements réels et/ou fantasmatiques qui auraient pu se produire dans le domaine sexuel quand elle était enfant ou adolescente en lien avec des poubelles, une cave ou des paroles -plutôt maternelles- d'actions du domaine sexuel jugées sales. Et j'ajouterais, pour faire le lien entre la psychanalyse et les TCC, de lier cette approche cognitive avec l'approche comportementale évoquée dans le cadre de la prise en charge TCC.

A bientôt.

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