Les psychanalystes refusent d'aborder la question de l'efficacité de la cure en tant que telle. Pour Lacan, la guérison ne vient que par "surcroît". La durée d'une cure analytique se compte en années à raison de deux ou trois séances par semaine…et aucune garantie au bout du chemin que les symptômes auront sinon disparus, du moins suffisamment régressés pour permettre une vie quotidienne permettant de travailler et d'aimer pour reprendre les termes de Freud. Aucune garantie non plus que le transfert soit résolu, que le patient soit autonome vis-à-vis du thérapeute, qu'il accepte de s'en détacher et que le thérapeute accepte, lui aussi, cette séparation. Les patients apparaissent, dans certains cas, comme d'inépuisables vaches à lait.
Poser la question de l'efficacité dans la thérapie, et d'abord en se mettant à la place du patient qui va voir un psy parce qu'il va mal, parce qu'il souffre, parce qu'il voudrait que "ça" s'arrête, paraît légitime.
La psychanalyse ne s'occupe pas de l'efficacité de la cure alors que pour les TCC il s'agit d'un point capital. Joël Swendsen parle du rapport INSERM : "Psychothérapie – Trois approches évaluées", dont il fut l'un des auteurs, comme preuve que les TCC "marchent" contrairement à la psychanalyse qui "marcherait beaucoup moins bien" [Cours de TCC du 6 décembre 2013 à Bordeaux]. Pour lui, la thérapie permettrait de supprimer les symptômes pour un trouble donné : "La philosophie des TCC, c'est l'efficacité, çà marche, c'est une approche pragmatique dans l'intérêt des patients." Il conclut : "Le symptôme est incontournable pour savoir si la thérapie est efficace." Donc la disparition des symptômes permettrait de guérir le patient tout comme on guérit d'une maladie.
Mais les choses n'apparaissent pas aussi simples. D'abord pour reprendre le concept freudien de "réaction thérapeutique négative", on peut constater dans la clinique que certains patients d'une part tirent des bénéfices secondaires de leur maladie –indemnités, attention plus grande de la part de leur entourage, droits supplémentaires- auxquels ils ne sont pas près à renoncer et d'autre part, la maladie serait aussi présente comme répondant à une culpabilité inconsciente qui serait, selon Freud, équivalente à un besoin de punition :
"Nous rencontrons des patients dont la conduite d'opposition à l'influence de la cure nous oblige à leur attribuer un sentiment de culpabilité 'inconscient'. La force de cette motion [Réaction thérapeutique négative] opposée à la cure constitue l'une des plus graves résistances et le plus grand danger à l'encontre du succès de nos visées médicales ou éducatives." Le sentiment peut être remplacé par le "besoin de punition qui recouvre tout aussi pertinemment les faits observés." [Le problème économique du masochisme p 293 in Névrose Psychose et Perversion, PUF]
Un raccourci hasardeux, pourrait laisser croire que la culpabilité serait le prix à payer pour vouloir tuer le père si on est un fils ou la mère si on est une fille –dans le cas de l’œdipe positif. Cette vision m'apparaît très réductrice. En effet, les parents sont d'abord garants de la sécurité de l'enfant et à ce titre permettent à l'enfant –placé dans des conditions de vie "normales"- de se développer le plus harmonieusement possible. Un enfant ou un adolescent peut avoir envie de tuer son père ou sa mère pour d'autres raisons que les raisons œdipiennes. Mais avoir en tête cette idée d'une mort possible de ses parents, laisse l'enfant ou l'adolescent face à l'angoisse de ne pas pouvoir faire face seul, à ses propres besoins, à sa propre sécurité. Donc persisterait une culpabilité liée à des désirs de mort inacceptables consciemment. Cette culpabilité devrait être prise en compte au niveau du traitement thérapeutique.
Pour le thérapeute TCC, il est essentiel que le patient aille mieux d'abord au sein d'une séance, -qu'il aille mieux à la fin de la séance par rapport au début et bien sûr qu'il soit mieux à la fin de la cure que lorsqu'il s'y est engagé. L'idée pour les TCC est que les symptômes aient suffisamment régressés pour lui permettre de vivre sa vie, sans être gêné par son trouble.
Judith Beck insiste dans sa description de la cure TCC pour que le thérapeute utilise chaque minute de la séance pour être productif : recueillir des informations sur le patient, établir l'ordre du jour, identifier les problèmes, les hiérarchiser, identifier, évaluer et modifier les cognitions, prévoir les tâches personnelles que le patient aura à effectuer dans la semaine…Si le patient souhaite sortir des sentiers battus, c'est-à-dire parler sans de soucier de définir des problèmes, des objectifs, d'identifier des pensées automatiques ou des postulats, les choses se compliquent. Contrairement à la cure analytique dans laquelle le seul cadre est de respecter la règle fondamentale, la TCC est très structurée. Heureusement, Judith Beck admet et accepte des variations dans le protocole dans la mesure où elles permettent de consolider l'alliance thérapeutique et que le patient fasse des progrès dans la régression de son toruble.
Il semblerait qu'entre la cure analytique avec pour seul cadre la règle fondamentale et la thérapie TCC où la structure est omniprésente, un moyen terme dans lequel le patient pourrait décider de l'emploi libre de certaines plages de temps ou peut-être de rendre certaines parties optionnelles, -même si cela semble diminuer l'efficacité du traitement-, permettrait au patient de ne pas se sentir contrôler à l'extrême et de gérer au mieux une culpabilité possible. Au fond, il s'agirait d'adapter la cure en fonction du patient, donc proposer une thérapie personnalisée. Le thérapeute ne peut pas aller plus vite que la musique et le rythme de la progression doit résulter d'un accord entre le thérapeute et le patient. Il est bon de dire que parfois, perdre du temps à un moment donné, peut en faire gagner beaucoup au final.
Le temps d'une TCC classique était évalué autour d'une vingtaine de séances. Toutefois les praticiens des TCC se sont vite aperçus que certains patients "with challenging problems" nécessitaient des temps de thérapie beaucoup plus long, de l'ordre d'une à deux années à raison d'une séance par semaine. Le travail étant centré sur les problèmes que la patient rencontre dans sa vie quotidienne.
Pour conclure, il semblerait que, d'une manière générale, la cure TCC soit plus courte et plus efficace pour des difficultés qui ne remettent pas trop en cause la personnalité du patient. Dans le cas de troubles de la personnalité, la thérapie des schémas de Jeffrey Young prétend prendre le relais.