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dimanche 22 octobre 2017

Aaron Beck : La thérapie cognitive

Introduction.

    Aaron Beck, psychiatre américain né le 18 juillet 1921, peut être considéré comme le père de la thérapie cognitive. Il élabore cette nouvelle approche thérapeutique alors qu'il a été formé à la psychodynamique et pratique la psychanalyse comme la plupart des psychiatres des années cinquante. Le chemin qui le conduit à s'intéresser à cette discipline semble provenir de son histoire personnelle.

    Aaron Beck est le fils cadet d'une fratrie de cinq enfants. Son père, émigré de Russie, était imprimeur et porteur de valeurs humanistes ; sa mère, femme volontaire, a laissé de côté son rêve de faire des études médicales pour s'occuper de ses enfants. Elle aurait été dépressive après la mort d'une fille durant l'épidémie de grippe de 1919. Beck faillit lui-même mourir d'une septicémie ; afin de le soigner il fut brutalement séparé de sa mère ce qui a pu constituer pour lui un évènement traumatique. Cette expérience infantile marquante développa en lui une crainte de l'abandon et des inquiétudes à propos de sa santé. Par ailleurs, le redoublement d'une classe le conduisit à penser de lui-même qu'il était idiot et stupide. Sollicitant et obtenant de l'aide de ses frères aînés, il devint dès lors excellent à l'école. Après l'obtention de son bac, il s'orienta vers des études de médecine puis vers la neurologie qui l'attirait du fait que, dans cette discipline, le médecin peut localiser précisément la lésion cause de la maladie à partir d'une observation minutieuse. Pourtant, après avoir fait un stage obligatoire en psychiatrie, il se passionna pour ce champ ainsi que pour la psychanalyse dont il pensait qu'elle lui apporterait des réponses concernant les troubles dont il souffrait.

    Bien qu'il fut notablement influencé par la théorie freudienne et qu'il soit devenu lui-même psychanalyste, Beck éprouvait pour cette approche une certaine ambivalence. Il trouvait que les principes psychanalytiques allaient à l'encontre de sa nature pragmatique. Il restait troublé par le manque de base scientifique et d'efficacité de cette méthode et se décida à apporter les preuves empiriques de sa validité afin de convaincre la communauté scientifique et peut-être se convaincre totalement lui-même.


L'émergence de la thérapie cognitive.
 

   Au début des années 1960, Aaron Beck se décida à vérifier sur ses patients, le principe psychanalytique selon lequel la dépression résulterait d'une agressivité inconsciente initialement dirigée vers l'autre puis retournée contre soi. S'appuyant sur le postulat de Freud que le rêve est la voie royale d'accès à l'inconscient, il étudia les rêves de ses malades afin d'y trouver des traces de cette agressivité. A sa grande surprise, il observa des thèmes de perte et d'échecs que les patients relataient déjà consciemment et peu de thèmes d'agressivité. Si les éléments générateurs du trouble étaient accessibles à la conscience, alors la primauté de l'inconscient devait être révisée. Il en conclut que le trouble dépressif résultait de la façon dont les patients s'imaginaient être plutôt que le résultat d'un conflit de forces inconscientes. Pour Beck, il n'était plus nécessaire d'explorer les profondeurs du psychisme dès lors que les représentations que les patients ont d'eux-mêmes, des autres et de leur futur expliqueraient à la fois leurs rêves et leurs symptômes. Il nomma ce triptyque - des vues négatives sur soi, le monde et le futur - la triade cognitive. De plus, il mis en évidence le rôle des schémas, des groupements de croyances qui déforment le traitement de l'information afin que chaque perception soit en cohérence avec ces schémas existants.

    Durant plusieurs années, Beck, expérimenta en aidant les patients à reconnaître leur discours intérieur qui consistait le plus souvent en des pensées automatiques fugitives constituées d'auto-dévalorisations et d'interprétations biaisées d’événements anodins et trouva qu'il pouvait les aider à travers un questionnement socratique et des expérimentations comportementales afin d'examiner la véracité de leurs propres croyances. Pour établir sa théorie qu'il nomma la thérapie cognitive, il se dégagea de la psychanalyse selon laquelle la source des symptômes résidait dans les pulsions inconscientes et selon laquelle les symptômes ne pouvaient pas être traitées directement sans provoquer des mécanismes de défense ce qui nécessitait un long temps de thérapie. Il s'écarta aussi de la thérapie comportementale pour laquelle les problèmes viennent de forces externes pouvant être résolues en réorganisant l'environnement. Aucune de ces deux approches - psychanalytique et comportementale - n'attachaient d'importance au fait que les croyances du patient jouaient un rôle fondamental dans la production de symptômes douloureux.

    Ayant créé un nouveau modèle, il entreprit de le valider empiriquement. Pour le concevoir, il s'appuya sur des philosophes comme Epictète, d'autres psychanalystes comme Karen Horney et Alfred Adler et d'autres théoriciens comme Georges Kelly, Albert Ellis, Richard Lazarus et Albert Bandura.


Les deux courants de pensées.

    Dans les thérapies qu'il conduisit avec ses patients dépressifs, Beck remarqua que ces derniers manifestaient deux courants de pensée en parallèle :

· un premier courant volontaire et verbalisé,
· un autre courant constitué d'un discours interne interprétatif caché portant sur soi, le thérapeute ou le monde environnant.

    Ce deuxième flux était retenu par les patients soit parce qu'ils en avaient honte, soit qu'ils avaient peur de se montrer agressifs vis à vis du thérapeute, ou bien encore qu'ils craignaient d'être jugés négativement.

    Observant que ce second courant de pensées était en grande partie conscient ou préconscient et d'autre part en lien avec les émotions, Beck incita ses patients à saisir ce discours qu'il nomma "pensées automatiques " et à lui en faire part sans réserve. Cette nouvelle approche consistant à identifier, évaluer et répondre à ces pensées automatiques, améliora nettement l'état des patients. Il établit ainsi que les symptômes dépressifs étaient la conséquence de ces croyances négatives et d'un traitement de l'information erroné. En identifiant ces cognitions biaisées et négatives, principalement des pensées et des croyances comme une première caractéristique de la dépression, il développa un traitement court, orienté vers le présent dont l'un des buts fondamentaux est de tester la véracité des croyances des patients dépressifs. Sa théorie cognitive du changement - changer les pensées négatives et les croyances - ouvrit la voie à un des traitements les plus efficaces de notre époque. Beck pour valider son approche s'engagea dans une évaluation empirique de sa théorie cherchant continuellement à la tester et à l'améliorer. Ces études empiriques ont eu pour but de confronter sa méthode aux meilleurs traitements existants.


Efficacité de l'approche cognitive pour la dépression.

   La thérapie cognitive a d'abord été testée pour étudier son efficacité sur les troubles dépressifs. En 1977, lui et ses collègues de l'Université de Pennsylvanie publièrent un essai contrôlé et randomisé au cours duquel la thérapie cognitive s'avéra plus performante que le traitement médicamenteux standard courant. Non seulement les patients ont répondu aussi bien qu'avec la prise d’antidépresseurs mais l'effet s'est révélé beaucoup plus durable après la fin du traitement. Ceci constituait la preuve manifeste de l'effet persistant de la thérapie cognitive affirmée depuis longtemps mais jamais jusqu'alors démontrée. Suite à trente années de recherches, ces affirmations précoces ont été totalement étayées empiriquement et la proposition que ce traitement a des effets durables pour les troubles non psychotiques qu'on ne retrouve pas dans le traitement allopathique est validé par la littérature produite depuis lors. La thérapie cognitive a évolué au fil des ans, elle a été révisée sur la base des essais expérimentaux et des expériences cliniques permettant ainsi de la généraliser à d'autres troubles.


Extension de la thérapie cognitive.

   Cette approche a été étendue et adaptée à d'autres troubles :

· les TOC,
· l'attaque de panique,
· la phobie sociale,
· les phobies simples,
· les troubles alimentaires,
· le stress post-traumatique,
· les addictions,
· les problèmes de couples...


La thérapie cognitive a été amplifiée avec la théorie des schémas pour le traitement des troubles de la personnalité notamment la personnalité borderline.


Les questionnaires.

   La thérapie cognitive impose au patient entrant en thérapie et à intervalles réguliers la passation de questionnaires afin d'établir une ligne de base et de contrôler son évolution. Celle-ci est réalisée à l'aide de formulaires grâce auxquels le thérapeute relève la valeur des indicateurs relatifs au trouble et peut ainsi en fonction de la croissance ou de la décroissance de ces indicateurs déterminer l'évolution du trouble.

    Voici certains des tests élaborés par Aaron Beck et utilisés dans le traitement du trouble dépressif:

· Beck Depression Inventory : (BDI)
· Beck Anxiety Inventory : (BAI)
· Beck Hopelessness Scale : (BHS)
· Beck Scale for Suicide Ideation : (BSS)


Les livres.

    Beck a écrit plus de 450 articles et de nombreux livres parmi lesquels :

· Cognitive Therapy of Depression
· La thérapie cognitive et les troubles émotionnels
· Love is never enough
· Prisonniers de la haine

    Sa fille Judith Beck a pris la suite de son père en publiant :

· Cognitive Behavior Therapy - Basics and Beyond

· Cognitive Therapy for challenging Problems


Conclusion.

   Aaron Beck a eu un impact majeur dans le champ de la psychopathologie et du traitement des troubles mentaux en se basant sur une approche scientifique, empirique, efficace dans un temps relativement court. Il est le bâtisseur de l'une des psychothérapies les plus utilisées et les plus efficaces d'aujourd'hui. Sa réussite semble due en partie à son insistance à soumettre ses idées aux tests empiriques les plus exigeants possibles. Ses notions théoriques sur le rôle des cognitions dans l'étiologie et le maintien des troubles psychiques ont révolutionné le domaine et les innovations cliniques.


dimanche 1 janvier 2017

Traumatisme : Se taire ou parler ?

     Il peut paraître étonnant, incompréhensible, vue de l'extérieur, que certaines personnes victimes de traumatismes n'évoquent pas leur souffrance, leur existence dramatique, n'en parlent pas aux forces de police ou de justice, n'en discutent pas avec certains membres de leur famille ou avec leurs amis proches. Elles continuent à endurer, à souffrir de violences sexuelles, à subir des humiliations, des coups ; elles sont régulièrement maltraitées sans aucune perspective réaliste d'amélioration, semblant ainsi valider les actions destructrices de leur bourreau.

 

Qu'entendre par traumatisme ?

     Dans ce texte, je me place dans le cadre de relations interpersonnelles personnelles ou professionnelles au cours desquelles un sujet semble sous l'emprise d'une personne jugée "supérieure" et dont elle dépend comme un parent, un conjoint, un supérieur hiérarchique. Les traumatismes peuvent être de nature sexuelle -abus sexuel-, physique par exemple recevoir régulièrement des coups et/ou psychologique  comme le fait d'être placé dans des situations humiliantes ou dévalorisantes d'une manière répétée.

 

Pourquoi se taire ?

    - En raison d'un besoin de punition lié à un sentiment de culpabilité initial qui exigerait de payer pour les choses dont on penserait -inconsciemment- être coupable.
    - Du fait qu'on pense sa parole inefficiente, que personne ne croira ce qu'on a tant de mal à dire.
    - Car on pense être, au final, responsable des actes qu'on subi, de les avoir soi-même provoqués.
    - Parce qu'on pense que le bourreau est tout-puissant, qu'il a tout pouvoir et qu'il ne sera jamais inquiété.
    - En raison du mal qu'on serait susceptible de lui causer du fait des révélations -par exemple révéler l'existence d'un père incestueux-
    - Parce qu'on imagine que parler pourrait conduire à la destruction, à l'anéantissement de celui ou celle dont on subi la violence.
     - Par crainte de représailles dont on imagine qu'elles pourraient faire perdre la vie. L'idée serait alors : "Subir et se taire mais rester en vie."
    - Parce qu'on a honte des choses commises, et que les révéler rendrait cette honte encore plus forte et insupportable.
    - Du fait que le bourreau est en même temps une personne dont on dépend affectivement ou matériellement.
    - Parce qu'évoquer ces faits renforcerait le sentiment de culpabilité.
    - D'une manière générale par crainte des conséquences pour soi et l'autre.
- Par crainte de reproches ou de désaprobations de personnes proches.

 

Pourquoi parler ?

     Pour sortir de cette prison, de cet enfermement, pour se libérer, arrêter de souffrir, afin d'envisager un avenir plus radieux, un ciel plus bleu. Devenir ainsi actif et acteur de sa propre vie  au lieu de subir des dégradations physiques et psychologiques. Pour se libérer de cette culpabilité sous-jacente. 

    Parler, pour enfin vivre et vivre libéré(e).

 

Comment faire ?

    Accepter de faire confiance à une personne bienveillante qui pourra aider à favoriser le cours de la parole. 
    En surmontant ses résistances internes qui bloquent le flux des mots.
    En identifiant et en développant ses propres ressources. 
  En travaillant sur les raisons, si elles existent, d'une culpabilité sous-jacente qui aboutira à une libération extérieure et intérieure.
    En acceptant les conséquences de la libération de sa parole.
    En envisageant sa nouvelle vie, un an après les révélations, en essayant de la voir à moyen terme, en en envisageant tous les changements positifs.

lundi 26 décembre 2016

TCC et Psychanalyse : Le traumatisme de la conjonction des désirs et de ses conséquences.

1) Introduction

    Au cours de vacances passées en 1893, Freud est sollicité par une jeune fille qu’il prénomme Katharina, dans le récit qu’il en fera en 1895 dans son ouvrage intitulé « Études sur l’hystérie.» Elle a alors 18 ans. En un seul entretien, laissant de côté l’hypnose pour récupérer des éléments non livrés par la patiente et ne s’appuyant pas davantage sur la suggestion, Freud va tenter de lui rendre la vie plus paisible.
    Les symptômes qui assaillent Katharina sont intenses et handicapants : régulièrement, elle ressent une pression sur les yeux, a la tête lourde, entend un bourdonnement. Elle a des vertiges comme si elle allait tomber, ressent un poids sur la poitrine à en perdre la respiration, a la gorge nouée comme si elle allait étouffer. Elle imagine toujours qu’elle va mourir, que quelqu’un, derrière elle, va la saisir tout à coup. S’y ajoute une hallucination du visage de son père en colère qui la regarde d’un air effrayant.

2) Histoire de la maladie.

L’histoire du trouble se déroule en quatre séquences :

Séquence 1 :
    Son père cherche à la séduire alors qu’elle est âgée de 14 ans : un soir, elle sent le corps de son père dans son lit. Elle saute de sa couche et lui fait des reproches. Elle indique n’avoir compris que bien plus tard, ce qu’il lui voulait. Elle eut, une autre fois, l’occasion de se défendre contre son père ivre. À chaque fois, elle ressent un poids sur la poitrine et sur les yeux, cependant ce symptôme restera beaucoup plus limité que celui, de même nature, qu’elle ressentira deux ans plus tard lors de la vision d'une relation sexuelle entre son père et Franziska.

Séquence 2 :
    Son attention est attirée par ce qui se passe entre son père et Franziska ; elle se dit « frappée » par ce qui se passe entre eux.

Séquence 3 :
    À l’âge de 16 ans en regardant par une fenêtre et ne songeant « à rien de vilain » elle voit son père allongé sur Franziska. Alors, elle se sent étouffer, perçoit des cognements dans son crâne et ressent une pression sur les yeux. Elle repense constamment à cette scène. Les symptômes sont alors à leur acmé.
 

Séquence 4 :
    Quelques jours après avoir observé la scène du coït, elle la raconte à sa mère. Freud mentionne que s’ensuivirent des scènes entre le père et la mère qui ouvrirent les yeux des enfants sur des faits qu’ils n’auraient pas dû entendre mais qu'il ne décrit malheureusement pas. Dans un second temps Katharina relate les fois où son père a tenté de la séduire.
    Son père lui reproche d’avoir parlé, d’être la cause du divorce que sa mère obtient. Il menace sa fille pour sa révélation et lui répète qu’elle est la cause de tout : « Si tu n’avait pas bavardé, il n’y aurait pas eu de divorce.» Elle a toujours eu très peur qu’il l’attrape sans qu’elle ne l’ait vu.

3) Interprétation de Freud.

    C’est la révélation du monde de la sexualité chez les jeunes filles qui occasionnerait ces troubles. Leur moi, en face de ses expériences sexuelles ne saurait pas quoi faire. Le traumatisme serait occasionné par la compréhension postpubertaire d’évènements qui ont eu lieu antérieurement.
    Ainsi fonctionnerait l’après-coup : un évènement postérieur à la puberté éclairerait d’une nouvelle connaissance le souvenir d’un évènement prépubertaire qui deviendrait dès lors traumatique.
    Chez Katharina, le ressenti du pénis du père, selon Freud, alors qu’elle est dans son lit, ne prendrait toute sa « consistance » qu’après sa compréhension de ce qui a lieu dans le rapport sexuel entre son père et Franziska.

4) Discussion de la position de Freud.

    Le premier élément qu’on peut «mettre en avant» c’est d’abord l’ignorance supposée des jeunes filles, ignorance contestée quelques paragraphes plus loin lorsqu’il écrit : « Les adolescents n’ont-ils pas bien plus souvent que nous ne le supposons et qu’eux-mêmes ne le croient la connaissance de la sexualité.» Par ailleurs, l’évènement initial intervient alors que Katharina a 14 ans donc, à priori, après sa puberté.
    Ensuite, Freud postule que ce sont les séquences 1 et 2 qui sont des facteurs traumatisants, et que la séquence 3 ne constitue qu’un facteur traumatisant auxiliaire pour ajouter plus loin, que ce temps où Katharina voit le couple copuler peut être en lui-même traumatique. La patiente aurait selon Freud pensé : « Mon père fait avec elle ce qu’il aurait voulu faire avec moi. »
    Freud en reste à l’évènement traumatique - séduction du père envers sa fille -, sans prendre en compte le désir possible de Katharina, et en esquivant la notion de faute pourtant mentionnée dans le texte suite à la parole de la patiente.
    Il ne semble pas prendre en compte non plus le discours du père – ses menaces constantes envers sa fille - et son impact dans les symptômes de Katharina.

5) La rencontre du désir du père et du désir de sa fille et ses conséquences.

    Une autre compréhension de l’après-coup serait la conjonction des désirs du père et de sa fille et de ces conséquences. Dans les phases 1 et 2, le désir du père d’avoir une relation sexuelle à plusieurs reprises avec sa fille semble manifeste, et celui de Katharina, qui refuse « les bonnes choses » que lui propose son père, semble maîtrisé ; elle juge à cette occasion ses symptômes plus faibles. On pourrait supposer qu’à la vue du rapport sexuel entre son père et Franziska, son désir pour son père cherche à s’exprimer pleinement. Dès lors, les symptômes de Katharina sont à leur apogée.
    Seraient traumatiques cette conjonction du désir du père et du désir de sa fille en relation avec ses conséquences, à savoir l’impact sur sa mère, sur son père, sur le couple de ces parents et sur elle-même.
    Il semble important de noter également que Franziska suite aux relations sexuelles avec le père de Katharina s’est retrouvée enceinte. On pourrait poser la question du désir d’avoir un enfant du père chez Katharina.
    En ce qui concerne les conséquences, Katharina a pu constater, suite à ses révélations, les conflits entre son père et sa mère, puis le divorce de ses parents, le rapprochement de son père et de sa cousine Franziska enceinte.
    Se pose aussi la question de la culpabilité du fait que sa parole a occasionné la séparation de ses parents. Enfin, les menaces réitérées de son père qui souhaite lui faire payer ses révélations semblent être en lien avec la vision du visage effrayant.
    Dans ce texte, Freud parle d'abord d'un oncle, de sa tante et de Franziska sa cousine. En 1924, il corrige en disant qu'il s'agit de son père et de sa mère. Le père de Katharina a vécu ensuite avec sa cousine Franziska dont il a eu quatre enfants.

6) Conclusion.

    La psychanalyse ne prend en compte que le sexuel et l’infantile contrairement aux TCC qui laissent le désir et le fantasme de côté et s’appuie plutôt sur le présent et les évènements ayant eu lieu.
    Mon approche de ce cas clinique est que, dans une approche intégrative, il est possible – et souhaitable - de prendre en compte à la fois le désir du père en conjonction avec le désir de sa fille – d'avoir une relation sexuelle et possiblement un enfant de son père – et de ses conséquences pratiques et réelles qui ont impactées la vie quotidienne de Katharina et de ses parents. Il semble aussi important de relever la culpabilité résultante chez Katharina de la séparation de ses parents et de son désir de relations sexuelles avec son père et d’en avoir un enfant.

mardi 1 novembre 2016

Psychanalyse et TCC : les courants de pensées

    Freud conçoit la méthode analytique à partir du procédé cathartique inventé par Breuer dans le traitement qu'il élabora pour Anna O. Ce cas est relaté dans les études de l’hystérie publié conjointement par Breuer et Freud.

    Ce procédé cathartique repose sur l’élargissement du conscient par l’intermédiaire de l’hypnose et par la mise du patient dans l'état psychique dans lequel il se trouvait lors de la première manifestation du symptôme. Grâce à l'état hypnotique, les souvenirs, pensées ou impulsions se trouvent à nouveau accessible à la conscience du patient. Il lui suffit alors de relater ces informations tout en extériorisant ses émotions pour que le symptôme se trouve supprimé et empêché de resurgir. Toutefois Freud fait le constat que tous les patients ne se laisse pas hypnotiser, que l'hypnose ne détruit pas les résistances mais les masque et ne procure que des succès passagers.

    Pour Freud l'efficacité thérapeutique repose sur la décharge de l'affect. Il s'agit donc d'une approche économique, décharge d'un quantum d'affect bloqué, "étouffé" lié à l'acte psychique repoussé. L'efficacité de ce procédé n'est pas due à la suggestion du médecin.
 
    La méthode analytique dégagée par Freud se débarrasse de l'hypnose et de la suggestion
• Le patient s'allonge sur le divan. 
• Le psychanalyste se met derrière le patient. (Freud avait du mal à regarder ses patients 8 à 10 heures par jour) 
• Le psychanalyste n'influence pas le patient. 
• Le patient n'est pas obligé de fermer les yeux (comme dans l'hypnose). 
• Le thérapeute "évite" de toucher le patient. 
• Le patient est invité à dire tout ce qui lui passe par la tête, sans opérer de sélection dans les pensées, images, scénarios qui lui viennent à l'esprit. 
• L'analyste travaille sur les résistances du patient qui, avec l'abandon de l'hypnose, se manifestent.

    Une conséquence de l'abandon de la méthode cathartique au profit de la psychanalyse est que l'élargissement de la conscience n'a plus lieu. Freud y trouve un substitut en notant que dans les associations du "malade", il se produit deux courants de pensées : un courant volontaire et un courant involontaire. Le courant de pensées tel qu'il s'exprime dans la cure résulte de la volonté du patient, ce courant n'intéresse pas particulièrement Freud qui attend plutôt les pensées perturbatrices, involontaires du patient. Ce dernier a tendance à les rejeter ; il peut en avoir honte ou les trouver pénibles. C'est à partir de ces pensées fortuites, négligées, que Freud remonte vers les pensées refoulées. Les pensées refoulées sont donc dégagées par le thérapeute des pensées involontaires du patient.

    L'art d'interpréter du psychanalyste se fonde sur les trois temps suivants : 
1) Discours volontaire du patient. (Celui-ci reste utile pour élaborer l'anamnèse du patient) 
2) Pensées perturbatrices, involontaires du patient.
3) Le psychanalyste, à partir de ces pensées non choisies, remonte vers les pensées refoulées. 
    Nous pouvons remarquer qu'Aaron Beck dans les TCC mentionne également deux courants de pensées. Il appelle "pensées automatiques" ce que Freud nomme pensées incidentes et spontanées indépendantes de la volonté du patient. 
    Freud ne limite pas son art d'interpréter aux pensées fortuites mais prend en compte diverses productions du patient : 
• Ses rêves. 
• Ses actes intentionnels. 
• Ses actes dénués de but. 
• Ses lapsus, actes manqués. 

    Les objectifs d'une psychanalyse peuvent se formuler de différentes manières : 
• Supprimer les amnésies. 
• Lever tous les refoulements. 
• Expliquer les mystérieuses réactions du psychisme. 
• Rendre l'inconscient accessible au conscient. 

    Freud détermine les indications de la méthode analytique : 
• Que le patient souffre d'une psychonévrose avec des symptômes peu violents et peu dangereux : névrose obsessionnelle, hystérie, phobies, aboulie. 
• Que le patient soit intéressant… 
• Que le patient ait moins de cinquante ans… 
• Que les malformations du caractère ne soient pas trop enracinées.

     Freud termine par la durée idéale d'une psychanalyse. Il exige une durée allant de trois mois à trois ans, tolérant une durée plus courte pour les cas plus légers.

    Au final, l'issue heureuse d'une psychanalyse se résume pour le patient à : 
• Sa guérison pratique, le patient est débarrassé de ses symptômes. 
• La récupération de ses facultés d'agir. 
• La capacité de jouir de l'existence.

lundi 18 juillet 2016

TCC - Un modèle générique des schémas



TCC: Un modèle générique de schéma.

Le psychothérapeute constate fréquemment que les expériences positives que vit un patient non seulement ne remettent pas en cause ses croyances-noyau négatives mais qu'elles peuvent les renforcer. Le modèle développé ci-dessous permet de se faire une représentation du déroulement des séquences. 

1) La croyance-noyau négative résulterait d'un message extérieur internalisée, par exemple suite à un message d'une figure d'autorité (mère, père, enseignants) : "Tu es stupide", l'enfant pourrait intégrer ce message comme un message de vérité, de pure vérité qui ne sera pas mis en question car venant d'une figure d'autorité toute-puissante ou indispensable à sa sécurité : "Maman a raison, je suis stupide." Les messages extérieurs ultérieurs, en lien avec ce schéma, seront systématiquement comparés au message internalisé, à la croyance-noyau.

2) S'il n'y a pas de dissonance entre le message extérieur, ce que le patient se dit ou ce que d'autres lui disent, et le message internalisé, le message extérieur renforcera la croyance-noyau puisque sa tonalité est la même.

3) S'il existe une dissonance entre le message extérieur et le message intérieur, et que le message extérieur peut être négativé, il le sera et renforcera ainsi la croyance-noyau négative. Dans le cas où il ne peut l'être, il est tout simplement rejeté pour ne pas altérer la croyance-noyau qui demeure négative, confortant ainsi ce message de vérité postulé par l'enfant.

        Après le diagramme générique du schéma, vous trouverez trois exemples de messages extérieurs.












 


jeudi 7 juillet 2016

TCC et psychanalyse : Origine des croyances noyau (core beliefs)


    Pour la psychanalyse, les croyances-noyau sont liées à la sexualité –sexualité étendue par Freud aux zones orale, anale et phallique-, en d'autres termes à la situation œdipienne et à la castration. Elles pourraient s'exprimer chez une femme dite "phallique" de la manière suivante : "Puisque je suis convaincue d'avoir été castrée, je revendique ce dont ma mère m'a privé." Cette vision –uniquement sexuelle- me paraît restrictive et s'il n'est pas question de nier le poids de la sexualité dans le champ des croyances, il me semble –compte tenu de ce qu'on observe dans la clinique - essentiel d'en élargir le champ.

        Les TCC permettraient de comprendre comment ces croyances s'élaborent, se développent et se maintiennent.

Au niveau de l'élaboration des croyances, celles-ci résulteraient :

·        De la parole des figures d'autorité : père, mère, enseignants, des figures importantes pour l'enfant.
o   Paroles concernant l'enfant :
"Tu es…", "Tu n'es pas…", "Tu es plus…", "Tu es moins…"
"Tu dois", "Il faut…"
"Tu ne dois pas…", "Il ne faut pas…"
"Tu peux…", "Tu ne peux pas…"
"Si…alors…, sinon alors…
o   Paroles concernant l'extérieur :
"Le monde est…"
"Les autres sont…"
·        Des situations à partir desquelles la parole de la figure d'autorité sera prononcée.
·        De modèle d'enfant idéal auquel se réfère "inconsciemment" la figure d'autorité.
·        Des propres croyances, injonctions et règles de la figure d'autorité.
·        La projection, utilisée par la figure d'autorité, pourrait occasionner l'intégration chez l'enfant de ces croyances parentales.

Exemple :
        Croyance d'incompétence chez la mère.
Situation : L'enfant ne comprend pas le travail qu'elle doit rendre en classe.
Mère : "C'est simple, tu es stupide." [Projection]
L'enfant est confronté à une situation d'échec à laquelle s'ajoute l'évaluation négative de sa mère.
Enfant [Introjection de la parole maternelle] : "Puisque je ne réussis pas, maman a raison, je suis stupide."

Les croyances-noyau seraient élaborées chez l'enfant suite aux discours des figures d'autorité liés à certaines situations en référence à un modèle idéal auquel la figure d'autorité est attachée.

Au fur et à mesure des multiples répétitions et des expériences validant ce discours, les croyances se développeraient chez l'enfant. Suite à l'exemple développé plus haut, il pourrait résulter chez cette petite fille une croyance d'incompétence qui sera par la suite étendue à toutes les situations de ce type et non plus liée uniquement à la situation initiale dans laquelle elle ne parvenait pas à faire son travail pour l'école.

Les croyances se maintiennent dans la mesure où le discours considéré comme pure vérité proviendrait d'une figure d'autorité toute-puissante.  Remettre en cause ce discours reviendrait à mettre en cause la toute-puissance de la figure d'autorité – accepter que ma mère, mon père peut mentir, se tromper, ne pas toujours dire la vérité-, ce qui n'est pas forcément immédiat pour un enfant, ni même d'ailleurs pour un adulte. Le maintien pourrait s'expliquer également par le fait qu'il est difficile de remettre en cause le discours de la figure d'autorité qui peut être à la fois une figure de sécurité. En prenant l'exemple maternel de la figure d'autorité, remettre en cause son discours pourrait générer de la part de cette figure une menace d'abandon qui serait douloureusement vécue par l'enfant dans la mesure où il dépend entièrement d'elle pour répondre à ses besoins.

Travail psychothérapeutique : 

1) Pour un enfant, la figure d'autorité dit toujours la vérité. Il s'agit dans un premier temps de contester cette idée et d'accepter que la figure d'autorité n'est pas toute-puissante : ma mère, mon père n'a pas forcément toujours raison.
2) C'est aussi discuter sa propre toute-puissance : Ai-je toujours raison dans ce que je pense ou dans ce que je dis ?
3) Discuter les discours de la figure d'autorité liées aux différentes situations en s'appuyant sur la temporalité, ce qui était vrai à un moment donné est-il toujours valide aujourd'hui ? N'y a-t-il pas d'autres compréhensions possibles ?
4) Discuter des croyances internes intégrés chez l'enfant et maintenues à l'état adulte.






Thèmes des croyances.
        Adapté du questionnaire de Matthew Mc Kay intégré dans son ouvrage "Prisoners of Belief" édité par New Harbinger Publications, vous trouverez, ci-dessous, quelques exemples de croyances-noyau classées par thème.

·        Valeur personnelle :
    "Je ne vaux rien."
    "Je ne peux pas avoir une conversation intéressante."

·        Sécurité :
"La vie est dangereuse."
"Je suis anxieux d'être malade."

·        Performance/Résultats :
"Je ne suis pas aussi compétent que les autres."
"Quand je fais confiance à mon propre jugement, je prends de mauvaises décisions."

·        Force du moi :
"Je n'ai pas la force dont j'ai besoin pour résoudre la plupart de mes problèmes."
"Je ne contrôle pas mes pulsions."

·        Amour :
"Je crains d'être abandonné."
"Je ne me sens pas entouré par ma famille."

·        Autonomie :
"Je ne fonctionne pas bien tout seul."
"Je n'aime pas passer du temps tout seul."

·        Sentiment d'appartenance, d'intégration :
"Parfois je me sens comme un extra-terrestre."
"D'habitude les gens ne m'incluent pas dans ce qu'ils font."

·        Vision des autres :
"La plupart des gens ne tiennent pas leurs promesses."
"Je préfère être trop méfiant que trop crédule."

·        Perfectionnisme :
"J'ai des règles très tranchées pour moi-même."
"C'est très grave si je commets des erreurs."